Justice pour Harsha
Une bien triste histoire que celle de Sri Harsha. Il était en 4ème année d'ingénierie électronique à l'école Amrita Vishwa Vidyapeetham de Bengaluru. Il vivait en internat. N'oublions pas que contrairement à ce que prétend Amma en tournée, ses établissements éducatifs ne sont pas gratuits. La scolarité coûte plusieurs milliers d'euros, l'internat rajoute des frais supplémentaires, environ 1200€ par an.
L'internat justement dont les locataires se plaignent régulièrement. Il y a la nourriture qui est paraît-il insipide. On peut les croire parce que la même stratégie est appliquée dans l'ashram d'Amritapuri pour pousser les gens à dépenser leur argent dans les cantines payantes. Plus grave, il y a des problèmes d'eau. Pendant plusieurs jours d'affilé, il n'y a plus d'eau dans les toilettes ou pour se laver !
Depuis 2017 les étudiants se plaignaient du manque d'eau auprès des responsables de l'établissement en vain. Le directeur les envoyait paître en leur disant de rédiger un courrier de doléances. L'établissement répondait généralement que l'eau manquait dans toute la ville. Comme le fait remarquer un étudiant, ça se comprend en été mais pas pendant la mousson, la saison célèbre pour ses inondations. Surtout lorsqu'on sait que l'établissement collecte les eaux de pluie. Surtout lorsqu'on voit que le directeur a de l'eau dans ses quartiers privés au moment où les étudiant n'en ont pas.
La situation a dégénéré à partir du 23 Septembre 2019. Il a été demandé aux étudiants de se rassembler dans le hall Sudhamani.
Selon le témoignage d'un étudiant, le directeur Dhanraj aurait tenu ce jour là un discours pour le moins étrange, disant que lorsque la mission spatiale Chandrayaan-2 a échoué, personne n'a critiqué les scientifiques, au contraire ils ont reçu du soutien. Par conséquent les étudiants doivent soutenir leur école de la même façon, lorsqu'elle est incapable de leur fournir les commodités de base. M. Dhanraj aurait ajouté que dans les temps anciens, les gens se débrouillaient sans eau, ils lavaient leurs assiettes avec des feuilles d'arbre. Il aurait conclu que les problèmes de l'école provenaient de la dépréciation de la roupie et qu'il n'y avait rien à faire pour remédier à la situation. Il aurait quitté le hall en qualifiant les plaignants de "nuisibles".
Les étudiants sont devenus furieux. Quelques centaines d'entre eux ont vandalisé l'établissement, brisé des fenêtres, saccagé des bus... Face au tumulte, les 2200 étudiants du campus ont été priés de quitter l'établissement et l'internat pour une durée indéterminée.
Cette rupture de 20 jours ayant mécaniquement fait revenir le calme, les étudiants ont pu revenir sur le campus vers la mi-octobre. Mais certains d'entre eux ont eu la surprise d'être sanctionnés par un comité de discipline pour avoir troublé l'ordre de l'établissement. Le problème c'est qu'apparement les coupables avaient été choisis arbitrairement. Des étudiants qui n'avaient pas participé aux actes de vandalismes se sont ainsi retrouvés accusés, interrogés, harcelés pour servir d'exemple ou pour les forcer à dénoncer les coupables dont ils auraient connaissance.
Sree Harsha a été malheureusement embarqué dans cette vague de répression. Ses amis le décrivaient comme un jeune homme timide, réservé, sensible, travailleur. Il était en dernière année d'étude. Il avait passé des entretiens dans des entreprises, il était sûr que l'un d'eux allait aboutir sur une embauche après l'obtention de son diplôme. Bien que ses camarades aient clamé son innocence, le comité de discipline avait décidé qu'il avait cassé une caméra de surveillance dans l'internat. Le 21 Octobre 2019, il a été obligé de se rendre à une réunion disciplinaire sans son sac, sans son téléphone portable, sans son père qui l'attendait devant l'établissement.
Quelques instants plus tard, quelqu'un vient annoncer au père que son fils a été hospitalisé suite à un problème de santé. Il se rend à l'hôpital où il apprend que son fils est décédé. De retour à l'école, il apprend que son fils se serait suicidé lorsque le comité de discipline lui a appris qu'il était suspendu pour une année entière. Le père se rend compte que l'école a nettoyé toutes les traces de sang sur le sol, bien avant que la police arrive sur les lieux.
Le père a logiquement porté plainte pour que la lumière soit faite sur les circonstances du décès. Affaire d'autant plus curieuse que l'école a commencé par mentir en disant que Sree Harsha avant glissé dans les escaliers au 1er étage, avant d'affirmer qu'il avait sauté du 7ème étage. Quid des nombreuses caméras de surveillance? Ont-elles filmé le suicide du jeune homme? Oui. Mais l'école a effacé les enregistrements video correspondants, avant l'arrivée de la police également! Selon des témoignages, d'autres étudiants avaient filmé et photographié l'incident avec leur propres smartphones. Les responsables de l'établissement auraient saisi les téléphones pour effacer toutes les photos et les vidéos.
Le pire c'est que l'un des responsables impliqués dans ce drame, Swami S.G Rakesh, a déjà été accusé d'avoir poussé un étudiant au suicide en 2012. Une plainte avait été déposée contre lui sept ans auparavant, il y'en a aujourd'hui une seconde pour incitation au suicide et destruction de preuves.
Les étudiants ont entamé une nouvelle manifestation pour protester contre la mort de leur camarade.
Ils ont exigé qu'Amma vienne personnellement s'adresser à eux pour régler les problèmes en cours. Elle ne s'est pas déplacée et pour cause, elle est en pleine tournée européenne. Certains mécontents lancent donc des slogans du style "@EmmanuelMacron dis à AMMA de revenir en Inde" ou encore "Où est AMMA? En suisse ou sur Mars?". Lorsqu'elle veut s'adresser à ses dévots aux quatre coins du monde, elle n'hésite pas à envoyer des mails ou à lancer des sessions vidéos. Ne peut-elle pas faire de même lorsque ses étudiants en crise la réclament?
En réponse, l'école a décrété une semaine de congés par condoléance envers le défunt. Les étudiants suspectent plutôt une manoeuvre destinée neutraliser cette nouvelle manifestation. Des hashtags ont été lancés sur les réseaux sociaux pour que l'enquête policière ne sombre pas dans la corruption et l'oubli : #justiceforharsha, #withyouharsha, #fightforharsha, #harshasfamily....
Il existe un autre hashtag : #valuelessamrita qu'on pourrait traduire par "Amrita sans valeur". Un jeu de mot bien cocasse lorsqu'on sait que les étudiants des établissements scolaires d'Amma sont soumis à des règlements intérieurs très stricts pour inculquer aux jeunes indiens des valeurs spirituelles, humanistes, nationalistes.